31 ans. Enfin des gages de collaboration de la France. Une promesse faite dans le Temple du savoir par un pimpant Emmanuel Macron a connu un commencement de respect ce 9 novembre 2018. Un lot d’archives déclassifiées des magasins jaloux et cachotiers de l’Hexagone a atterri sur bureau du juge d’instruction burkinabè. Des pièces écrites et sonores de personnes interrogées, des témoignages dont une compilation d’une mine d’or d’informations qui pourraient apporter leurs étincelles de lumière dans l’obscurité qui a envahi depuis trois décennies, les cercueils de la dizaine d’hommes fauchés, un certain 15 octobre 1987. Macron a tenu sa parole, lâchée au Burkina le 28 novembre 2017
Le juge d’instruction burkinabè est actuellement en train de faire un travail de fourmi. Trier, compiler, lier, comparer, confronter, histoire d’avoir à la fin, la reconstitution d’un puzzle qui devrait permettre d’y voir plus clair dans cet amas d’imbroglio qui forme un magma qui semble être compréhensible mais qui, finalement, ne dit rien de concret.
Car, la «machette» qui a coupé les jarrets de Thomas Sankara dans son élan révolutionnaire a profité à une personne de connu : le capitaine Blaise Compaoré, devenu le président Blaise Compaoré, patron du mouvement de rectification, puis finalement ancien président en exil hors du Burkina Faso. Mais l’intéressé assure ne rien savoir de ce qui s’est passé ce jour fatidique. Englué dans les tentacules du sommeil provoqué et nourri par un mal mystérieux qui l’a forcé à garder le lit pendant que son frère et compagnon d’armes se faisait canarder au Conseil de l’entente, l’Enfant terrible de Ziniaré, comme l’ont surnommé nos confrères du Journal du Jeudi, n’a rien vu, rien entendu, rien acté et surtout, comble de tout, il n’a rien vu venir.
Pourtant, c’est lui qui tiendra le gouvernail du bateau qui a battu pavillon «rectification». C’est lui qui a profité de tous les honneurs, de la plupart des avantages de la disparition de Thomas Sankara. C’est lui aussi, ou en tout cas, sous son autorisation, que les actes, les traces et les impacts du capitaine révolutionnaire seront méthodiquement effacés, gommés et même reniés de la marche du Burkina Faso post 15-Octobre.
Alors, ces documents livreront-ils des éléments qui permettront de savoir quelle est l’implication exacte de l’homme taciturne dans la mort et le balayage systématique de son «frère d’armes ?» Des pistes seront-elles dégagées sur les personnes qui ont effectivement appuyé sur la détente ?
Des noms sont cités au niveau de la Justice burkinabè. Gilbert Diendéré, présenté comme la boîte noire du régime de Blaise Compaoré et qui se débat actuellement avec le procès du putsch de septembre 2015, a été entendu et un mandat d’arrêt sur lui. Tout comme un certain Hyacinthe Kafando, dont certains de ses proches (y compris l’ancien premier ministre Yacouba Isaac Zida) dans son livre «Je sais qui je suis», disent qu’il n’a pas été étranger aux balles qui ont arraché la vie de Thomas Sankara, sur qui court un mandat d’arrêt. Mais il n’y a pas que le Burkina que ces archives partielles déclassifiés intéressent. Peut-être permettront-elles de savoir les éventuelles implications de pays étrangers ou à tout le moins, d’étrangers dans l’assassinat du fringant capitaine qui a rebaptisé l’ex-Haute-Volta Burkina Faso. Peut-être saura-t-on qui a été le bras séculier, et qui avait intérêt à ce que Thom. Sank. disparaisse. Car si Blaise a été celui qui a succédé à son «frère et ami», bien de personnes ont dû ne pas bouder leur plaisir à l’assassinat de Sankara, pour ne pas dire qu’ils l’ont ourdi ou financé.
A tous points de vue, l’on peut dire que le dossier avance. Il est vrai que le test ADN sur les présumés restes des illustres infortunés a été d’un silence assourdissant et décevant pour ceux qui aspirent à savoir ce qui s’est vraiment passé ce 15 octobre 1987. Mais des éléments, presqu’inespérés, permettent d’être positifs. Il reste maintenant à espérer que les documents qui ont été expédiés sur le bureau du juge d’instruction seront très bavards. Et surtout, que ceux qui sont en route, car un autre lot est annoncé, le soient davantage, pour qu’enfin, l’âme de Thomas Sankara et de ses compagnons reposent en paix et que leurs familles fassent ce deuil qui dure depuis trois décennies.
Ahmed BAMBARA
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