Pour les cinquantenaires et plus, les bruits des tirs de ce 15 octobre 1987 aux environs de 16 h 30, provenant du Conseil de l’Entente (siège du Conseil national de la Révolution-CNR), ces bruits résonnent encore dans les oreilles 37 ans après. Ce jour-là, un régicide était commis : on a assassiné Thomas Sankara et enterré avec 12 de ses compagnons à la lisière de Ouagadougou au quartier Dagnoë.
4 années durant, ce fringant capitaine burkinabè a mis l’ex-Haute-Volta en pole-position. Il a révolutionné les mentalités, exhibé des idéaux qui sont toujours actuels pour le Faso. Politiquement, il a voulu changer les mœurs éculées et réactionnaires. Il a coupé le lien ombilical avec le colon par des gestes symboliques qui éveillaient les consciences. Il vivait ce qu’il pensait et disait, et était peut-être «le seul à croire en sa révolution» comme le lui avait dit un éminent confrère, Norbert Zongo.
Economiquement, sa gestion des ressources de l’ex-Haute-Volta qui avait 7 millions d’âmes, gestion faite d’auto-ajustement, de rigueur dans les dépenses, et du consommer local, ont fait que dans ces années 90, le pays était solide sur ce plan. Souverainisme et développement endogène étaient son dada. 37 ans après, son assassinat, que reste-t-il de ses idées, bref de son héritage aggloméré dans le vocable de «sankarisme» au-delà des noms des rues, avenues et places et des gesticulations ? Mais d’abord, qui sont les héritiers de Thomas Sankara ? Il y a d’abord certes, ceux qui ont tenté de reprendre le flambeau par le biais des formations politiques tels Me Bénéwendé Sankara, Alexandre Sankara… Hélas, on l’aura constaté au fil des élections, les résultats n’étaient pas au rendez-vous. Est-ce une question de crédit ? De messages passés ? Ou le sankarisme s-est-il émoussé avec le temps ?
Il y a ceux qui ont fait du sankarisme, sans l’avoir connu, comme les insurgés de 2014. Bien que l’histoire de cette insurrection reste à écrire, notamment sur son caractère spontané, les jeunes qui sont sortis ce 31 octobre pour déboulonner le deus ex machina d’alors du Burkina Faso, Blaise Compaoré, ces jeunes sont bien des héritiers de Sankara. Ils faisaient du Sankara tout en l’ignorant. Que voulait celui qui débaptisa l’ex-Haute-Volta en Burkina Faso ? L’autosuffisance alimentaire, la santé pour tous, lutter pour le climat, la bonne gouvernance… Ce n’est pas moins que les exigences de ceux qui ont dépavé les rues, brûlé l’Assemblée nationale, et contrait Blaise à mettre fin à son interminable règne, il y a 10 ans !
Même s’il est vrai que le sankarisme, c’est toute une posture, un comportement exemplaire… Et a inspiré un pays comme le Rwanda post-génocide. Depuis 2022, à la faveur d’un coup d’Etat, un autre capitaine Ibrahim Traoré, alias IB, essaie de marcher sur les pas de cet illustre devancier, devenu une icône totémique mondiale : le phrasé, la moralisation de l’Administration, quelques pistes pour une souveraineté alimentaire, sanitaire et éducative… Tout renvoie à Sankara.
Hier, IB a rendu hommage à ce héros national qui demeure son référentiel. Sauf que 37 ans séparent le Burkina Faso actuel de celui de 1987, et IB fait face à un phénomène que Sankara n’a pas connu : le terrorisme. Celui qui fut un héros lors de la «guerre des pauvres» Mali-Burkina en 1974 n’a pas connu l’hydre terroriste. IB oui ! N’empêche qu’il y a des balbutiements sankaristes chez IB, dont l’essai reste à être confirmé au bonheur d’une jeunesse burkinabè en mal de repère de personnalité.
La REDACTION
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