Procès putsch manqué : Passe d’armes entre Me Farama et le colonel-major Kiéré

Procès putsch manqué : Passe d’armes entre Me Farama et le colonel-major Kiéré

Pour sa troisième comparution à la barre le mercredi 14 novembre 2018, le colonel-major, Boureima Kiéré n’est pas revenu sur ses déclarations. L’officier militaire a reconnu avoir posé des actes mais rejette l’idée selon laquelle il est putschiste. Ne partageant pas sa position, l’avocat des parties civiles, Me Prosper Farama à travers une série de questions et d’observations va tenter de démontrer la culpabilité du colonel-major.

Durant ses deux premières comparutions à la barre, le colonel-major Boureima Kiéré a fait des déclarations dignes d’intérêt. Vraisemblablement, il doit être le seul à avoir accusé la hiérarchie militaire avec à sa tête le général Pingrénoma Zagré, chef d’état major général des armées à l’époque d’avoir accompagné le coup d’Etat. S’il a reconnu avoir posé des actes tendant à accompagner le coup qui a été perpétré ; pour sa défense, il dit l’avoir fait à cause de la position adoptée par la hiérarchie militaire. Il va relever également les pressions qu’il a subies durant les évènements pour expliquer son geste. Peut-on dire qu’il est complice du coup d’Etat ? Personnellement, il ne voit pas les choses de cette manière ; ce qui n’est pas le cas de l’avocat des parties civiles, Me Prosper Farama. Il va d’ailleurs chercher à le prouver à travers des questions et des observations. Parlant de l’accusé, il indique que la seule chose qui le dérange, c’est le manque de fermeté qui transparait dans certains de ses propos. Néanmoins, il dit savoir que l’officier supérieur est un homme pétri de valeurs. C’est donc parti de cette observation que l’avocat va commencer ses questions. La première était : «est-ce que vous confirmez quand vous dites qu’au cours d’une rencontre, le CEMGA a cédé son fauteuil au général Gilbert Diendéré en disant : M. le président du CND et les autres chefs militaires se sont levés pour rendre des honneurs ?».  Sans surprise, l’accusé confirme. Il rebondit en lui demandant de savoir s’il confirme que la hiérarchie militaire a accompagné le coup d’Etat ? Il va de nouveau confirmer. L’avocat va lui demander qu’au cas où la hiérarchie a fait un coup d’Etat en accompagnant le putsch, lui également qui a accompagné l’opération a aussi fait un coup d’Etat. Le prévenu va répondre par la négative avant d’ajouter qu’il était dans une situation où il ne pouvait pas s’isoler. Tout en comprenant la position de l’officier militaire, Me Farama va indiquer que celui qui accompagne un putsch est dans le putsch.

Poursuivant donc, il va lui poser les questions suivantes : «ai-je bien noté que dans l’institution du point de vue fonctionnelle vous avez le même rang que le chef d’état-major de l’armée de terre ?». L’accusé va répondre par l’affirmative.  «Le général Gilbert Diendéré fait-il partie de l’armée de terre ?».  Oui, a-t-il répondu de nouveau. A la question de savoir si lorsque le général Gilbert Diendéré et le chef d’état-major de l’armée de terre se retrouvent qui commande l’autre ; le prévenu va faire comprendre que devant les hommes c’est le chef d’état-major de l’armée de terre qui commande. Se basant sur la réponse, Me Farama va continuer : «quand c’est vous et le général qui commande? ».  Le chef d’»état-major particulier de la présidence ne préside pas les couleurs, c’est une particularité au RSP», a répondu le colonel-major. Tirant conclusion de la réponse de l’avocat et observant que dans la logique où Gilbert Diendéré est sans fonction, il ne peut donc pas le commander ; il lui demande de savoir s’il trouve normal que vu l’organigramme, le général qui n’a aucune fonction ait autorité sur lui. En réponse, l’accusé va rappeler qu’au rassemblement de la troupe c’est le plus gradé qui dirige. N’étant pas convaincu par la défense de son vis-à-vis, Me Prosper Farama va rappeler au tribunal que c’est lui qui a lu le communiqué du CND devant la hiérarchie militaire sur instruction du général Diendéré et lui-même a reconnu l’avoir fait car c’est un général qui le lui a ordonné, a-t-il soutenu.

«Le colonel-major a signé le communiqué, il est complice»

Le colonel-major est celui qui a signé le communiqué faisant du général Gilbert Diendéré le président du Faso et il l’a reconnu tout en précisant qu’il était sous pression. Pour Me Farama celui qui signe le communiqué est complice de celui qui a fait le putsch. Comme observation, le conseil des parties civiles affirme qu’il y a des gens qui s’embarquent dans un coup d’Etat par peur, mais cela ne les dédouane pas, a-t-il signifié. Dans le cas présent, il indique que si l’on prend en compte les conditions dans lesquelles l’officier a été embarqué, l’on peut retenir des circonstances atténuantes. Il rappelle cependant que cela ne peut pas le dédouaner pénalement. Afin de se faire une idée précise de la situation, il s’interroge si c’est par peur ou par suivisme de la hiérarchie que Boureima Kiéré a accompagné le coup d’Etat. L’intéressé a simplement souhaité ne pas répondre.

«Un coup d’Etat fantôme !»

On se rappelle que l’accusé avait reconnu lors de sa première comparution avoir reçu des mains du général Diendéré la somme de 160 millions de francs CFA. Afin d’en savoir un peu plus sur la somme en question, l’avocat des parties civiles n’a pas hésité à demander à l’officier militaire s’il a la fonction de trésorier ou de caissier. En réponse à cette interrogation, l’officier va rappeler qu’il était le chef d’état-major particulier de la présidence du Faso. Estimant que la question a choqué son interlocuteur, l’auxiliaire de justice va faire observer que par contre il n’a pas été choqué quand le général l’avait traité de caissier ou de trésorier en lui remettant l’argent qu’il a gardé. Pour répondre aux propos de son vis-à-vis, le prévenu va dans un premier temps rassuré l’avocat qu’il n’a pas été choqué  avant d’indiquer que les 160 millions sont des  fonds privés qui lui ont été confiés. Il ajoute : «si vous-même Me Farama vous me donnez votre argent, je vais le garder volontiers». Sans détour, l’homme de droit lui confie qu’il n’a pas 160 millions. Sans rancune, le colonel-major va souhaiter que Dieu le lui donne et plus que ça. «Merci mais je sais où le garder», a rétorqué Me Prosper Farama.

Rappelons que si Me Farama est revenu sur les 160 millions c’est dans le but de prouver la culpabilité de l’accusé qui refuse toujours de reconnaître sa responsabilité. Face donc à cette situation, l’avocat va faire l’observation suivante : «depuis le début tout le monde dit j’ai exécuté un ordre. Que ce soit les soldats du rang, les sous-officiers, les officiers, comme les capitaines, les colonel-major, personne ne veut reconnaître sa responsabilité. On espère que le général lui au moins viendra dire que c’est lui qui a donné les ordres si non on aura un coup d’Etat fantôme».

Me Pierre Yanogo et Me Séraphin Somé d’accord avec le parquet

Il est important de rappeler qu’avant la prise de parole de Me Prosper Farama, ses confrères, Me Pierre Yanogo et Me Séraphin Somé avaient également tenté d’enfoncer l’officier de l’ex-RSP. Me Pierre Yanogo par exemple lui avait demandé en quelle qualité il a signé le document qui faisait du général Gilbert Diendéré le président du Faso ? En réponse à cette interrogation, le prévenu va déclarer qu’il n’a aucune qualité. Sa réponse va inspirer Me Séraphin Somé qui va lui demander s’il n’a pas accompagné le mouvement du CND en signant le document ? Il va répondre oui, tout en rappelant une fois de plus les conditions dans lesquelles il l’a fait. Revenant au premier jour des évènements, Me Séraphin Somé va chercher à savoir si ce qui s’est passé le 16 septembre a surpris le colonel-major à la barre ? Il va répondre par la négative et prend le soin d’ajouter qu’avec les différentes crises survenues au RSP, des dispositions pour parer à toute éventualité que ce soit au plan technique et humain ont été prises en son temps.

Pour ce qui est des 160 millions, Me Pierre Yanogo va lui demander de savoir s’il est l’ordonnateur du budget du RSP ? Non à en croire le prévenu ; qui va demander à l’avocat de poser la question au général.

Se basant sur les réponses de l’accusé, Me Séraphin Somé conclut en déclarant qu’au regard des actes posés par le haut gradé, il partage l’avis du parquet  qui le poursuit pour complicité d’attentat à la sûreté de l’Etat. La raison avancée est qu’il a assisté et accompagné le général Gilbert Diendéré en vue de consolider le putsch.

Boureima SAWADOGO et Edoé MENSAH-DOMKPIN

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