Procès en acquittement de Laurent Gbagbo : De l’intime conviction des juges

Procès en acquittement de Laurent Gbagbo : De l’intime conviction des juges

Retour à la salle d’audience de La Haye pour les deux illustres prisonniers ivoiriens.

Hier 12 novembre, Laurent Gbagbo et Blé Goudé sont revenus de leur jugement de la Cour pénale internationale (CPI). Après une trêve demandée par les avocats pour éplucher plus de 30 000 documents à charge, et surtout chercher l’angle de la levée d’écrou, Gbagbo et Blé Goudé sont donc face à leurs juges. L’enjeu, prouver que le Parquet de la Cour n’a aucune preuve qu’ils ont vraiment donné l’ordre de tuer plus de 3 000 personnes et fait violer 150 femmes lors de la crise post-électorale 2010-2011.

La défense plaide l’acquittement pur et simple. Elle veut voir ses deux clients libres de leurs mouvements et repartir en Côte d’Ivoire lavés de tout soupçon. C’est le défi qu’elle s’est engagée à relever devant le juge. Cette démarche ne manque pas d’avenant. Trouver un acte matériel irréfutable qui montre Charles Blé Goudé disant clairement aux Jeunes patriotes, de violer ou de tuer ou alors un décret ou un acte administratif quelconque signé de la main de Laurent Gbagbo, planifiant et ordonnant l’usage systématique de la violence est une véritable gageure pour le Parquet. Que ce soit au marché d’Abobo, ou lors du meeting de Divo en août 2010 au cours duquel Laurent Gbagbo a semblé, donner un permis de tuer à ses ouailles, le parquet cherche, fouine. Il faut dire que l’objet du délit contre Laurent Gbagbo, s’est limité à des coupures de journaux, des vidéos, des témoignages épars,  de preuve-massue, point ! or on sait que quand bien même Laurent Gbagbo n’est pas blanc comme neige, ce serait d’ailleurs le comble qu’il soit au dessus de tout soupçon comme la femme de César, quand bien même donc persiste toujours des appréhensions, au final, seul reste l’intime conviction des juges qui auront à trancher d’ici le 19 décembre, et les hommes en toge savent bien que mieux vaut laisser 100 suspects en cavale, que condamner un seul innocent.

Les avocats ont apparemment bien senti la faille et ont décidé de l’exploiter pleinement et à bon escient. Il est difficile aujourd’hui de nier une responsabilité de l’ancien président ivoirien ou alors de soutenir son absolue irresponsabilité dans ce qui est advenu pendant cette sanglante crise post-électorale. Un homme menaçant le président ivoirien, tué, l’a bien été à son profit, même s’il est vrai qu’il n’a appuyé sur la détente de l’arme à feu ou le manche de l’arme blanche.

Mais lorsqu’on s’engouffre dans le domaine juridique, les notions, les convictions, les évidences n’ont plus la même dimension et il faut les reconsidérer à l’aune de ces principes qui gouvernent le droit.

Les avocats des deux célèbres prisonniers de la Haye réussiront-ils à convaincre les juges internationaux du fait que le Parquet use plus de nuage que de véritables faits concrets contre leurs clients ? Car, à l’évidence, ils jouent leur dernière cartouche. Toute décision prise à cette étape du procès s’avèrera décisive pour la suite.

Si jamais les juges ne sont pas convaincus et estiment que le procureur de la CPI a raison et a des éléments qui obligent le Woody de Mama et le «Général de la rue» à s’expliquer et à convaincre du contraire, cela voudrait dire que l’issue du jugement a de forte chance de ne pas peser en leur faveur.

Par contre, si d’aventure les juges croient au mémoire en défense des avocats, cela voudrait dire qu’il n’y a pas de preuve contre les deux hommes et qu’on a passé trois ans de débat, de tournure, de jeu de manches pour finalement aboutir à l’acquittement et à la libération des deux figures importantes de la Côte d’Ivoire dans la période 2010-2011. Autre signification ? Mais oui ! Les ayants-droit des 3 000 victimes devront chercher les coupables de la disparition de leurs proches ailleurs que sur la tête de Laurent Gbagbo. Ce qui, au final, suscite une question : personne n’a donc été responsable de la pagaille qui a secoué la Côte d’Ivoire ?

Mais on n’en est pas encore là. Ecoutons d’abord les juges ! Leur intime conviction !

Ahmed BAMBARA

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