Il a peu de chance de s’en sortir indemne. Maurice Kamto a commis un crime de lèse-majesté, vu sous le prisme du pouvoir Biya. En s’auto-proclamant vainqueur de la présidentielle, alors que les cloches de l’instance électorale n’avaient pas encore sonné l’heure de la proclamation des résultats, l’opposant avait scellé son sort. On ne marque pas un penalty sans le coup de sifflet de l’arbitre.
Car le Cameroun de maintenant n’est pas encore léché par les étincelles d’alternance du Sénégal, du Burkina Faso ou de la République démocratique du Congo (RDC). Au Cameroun, Paul Biya est fort. Il est à la puissance 7. Au Cameroun, les Camerounais ne semblent pas être vraiment gênés outre mesure que le même président gagne sept fois de suite des élections. Et lorsque l’environnement est ainsi configuré, il est difficile de jouer les trouble-fête.
Il faut dire que Maurice Kamto a aussi commis un crime originel. On a toujours reproché aux hommes politiques sous les tropiques de jouer avec le feu et d’utiliser cette sempiternelle rengaine qui n’a jusqu’à présent pas payé sous aucun ciel : «J’ai gagné les élections et gare à la Commission électorale si elle donne un résultat contraire». Une attitude anti-républicaine qui «verse la raison» des opposants (c’est généralement eux les gaffeurs) et les place dans l’orbite de l’illégalité.
C’est donc cette courroie qu’utilise actuellement le régime de Paul Biya pour rosser méthodiquement, en utilisant les rameaux de fibres de la Justice, Maurice Kamto et tous ceux qui ont fait ami-ami avec lui. Et encore, via l’opération Epervier vrais et faux dauphins, délinquants au col blanc, nombreux sont ceux qui sont dans les geôles depuis des décennies
Ce vendredi donc, Kamto s’engage dans le couloir de la peine capitale, la condamnation à mort. C’est ce que lui réservent les griffes acérées des faits qui lui sont reprochés : «hostilité contre la patrie», «rébellion», «insurrection».
Il est vrai qu’au Cameroun, il y a très longtemps qu’une tête est tombée de l’échafaud. Mais à défaut de la sentence de la mort, Kamto pourrait être condamné à rester à l’ombre pendant très longtemps.
Maintenant, il reste à savoir si les pressions multiformes qui pèsent sur Yaoundé réussiront à infléchir le cœur de l’enfant de M’vomeka. Les Etats-Unis ont montré de façon non équivoque la nécessité de le libérer. La France, quant à elle, d’abord plongée dans un mutisme qui n’a pas manqué d’alimenter les ragots, a fini elle aussi par faire entendre sa voix en faveur d’une mise en liberté de l’opposant.
Le procès ouvrant largement ses battants aujourd’hui, le président Biya aura beau jeu de se cacher derrière la séparation des pouvoirs pour clamer son impuissance à bloquer la marche de la machine judiciaire. En un mot comme en mille, Maurice Kamto et compagnie sont bien partis pour goûter à l’impitoyable rouleau compresseur du Sphinx de M’vomeka. A moins que Barthélémy Paul Biya, l’ancien séminariste se montre grand prince et magnanime.
Ahmed BAMBARA
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