Justice française et dossier Norbert Zongo : Quel sort pour François Compaoré aujourd’hui ?

Justice française et dossier Norbert Zongo : Quel sort pour François Compaoré aujourd’hui ?

En principe, aujourd’hui 3 octobre 2018, les Burkinabè seront fixés sur le sort que la justice française réserve à François Compaoré,  «le petit président» arrêté pour l’affaire Norbert Zongo à Paris. Ou du moins, c’est ce que l’on espère. Les mêmes espoirs étaient présents  le 13 juin 2018. S’attendant à une décision d’extradition judiciaire de la part de la Cour d’appel de Paris, celle-ci avait surpris les «Hommes intègres». Elle leur a dit de revenir ce 3 octobre 2018, à quelques encablures de la commémoration d’un autre anniversaire de la triste tragédie de Sapouy, en  1998.

Selon le parquet de Paris, au mois de juin,  le délibéré a été renvoyé à ce 3 octobre 2018 afin d’avoir des informations supplémentaires. Selon Me Olivier Sur, avocat de François Compaoré, le Burkina Faso n’avait pas apporté les pièces suffisantes pour «corroborer les accusations» portées contre son client. Depuis son interpellation à l’aéroport Roissy Charles De Gaulle le 27 octobre 2017, c’était la quatrième fois que François Compaoré comparaissait devant la Cour d’appel de paris. Sa première comparution a eu lieu le 13 décembre 2017. Le dossier a été renvoyé au 7 mars, puis au 28 mars avant que la date du 13 juin soit donnée comme celle du délibéré.

Cette décision de la justice française avait soulevé plusieurs interrogations. Pourquoi les autorités judiciaires burkinabè se faisaient-elles prier pour apporter les preuves matérielles impliquant le frère cadet de Blaise Compaoré dans cet horrible assassinat ? Etaient-elles à cours de preuves ? Ou peut-être que ces preuves n’existaient-elles pas ? Car peu ou prou, le nom du frère cadet de l’ancien chef d’Etat burkinabè reste lié à l’horrible autodafé en rade de Sapouy, le 13 décembre 1998. De la Commission d’enquête indépendante (CEI) en 1999, dont les travaux sans être des documents judiciaires avaient déblayé le terrain, à l’arrestation de l’autre Compaoré le 27 octobre dernier, en passant par le non-lieu du 18 juillet 2006, sur le seul inculpé de l’époque, l’adjudant Marcel Kafando, les Burkinabè ont toujours 20 ans après, une soif inextinguible sur le dossier Norbert Zongo. Surtout que ledit dossier a bougé il y a trois ans.

En effet au lendemain de l’insurrection, l’espoir de voir enfin la lumière jaillir sur le drame de Sapouy était revenu. Des éminentes personnalités affirmaient avoir trouvé des documents compromettants au domicile de François Compaoré.  Il s’agissait en fait des documents relatifs aux honoraires des avocats des six suspects sérieux. Ce qui avait conforté les autorités de la Transition au premier rang duquel, le président intérimaire, Michel Kafando de promettre la justice sur cette affaire. Le 27 novembre 2017, Emmanuel Macron face à 800 étudiants surexcités avait évoqué ce dossier brûlant, en disant que la France fera tout pour que justice se fasse. Qu’est-ce qui s’est passé entre temps (plus de 3 ans se sont écoulés) pour que la justice française estime que les avocats du «Pays des hommes intègres» n’ont apporté aucune preuve matérielle ?

Que les autorités judiciaires burkinabè fournissent donc des preuves ou qu’on laisse François Compaoré tranquille ! avions nous écrit à l’époque. On sera donc fixé ce 3 octobre 2018. L’on espère que la partie burkinabè s’est démenée pour apporter ce dont avaient besoin les juges français. S’il y a une occasion de ramener François Compaoré au Burkina afin qu’il s’explique véritablement sur les raisons pour lesquelles toutes ces attentions sont fixées sur lui, c’est bien celle-là. Le petit-frère du président a comme en effet réussi à drainer et à concentrer sur lui toute l’antipathie du peuple burkinabè. Il n’y a qu’à voir l’état post-apocalyptique dans lequel se trouve son domicile à Ouagadougou, dans la capitale burkinabè, pour mesurer l’étendue du ressentiment nourri à son endroit. De sorte qu’il serait même souhaitable pour l’intéressé lui-même de venir s’expliquer devant les tribunaux, car la fuite dans laquelle il s’est embarqué l’accuse plus qu’il ne dédouane.  Cela doit être assez pénible de trimbaler sur son dos toute cette charge émotionnelle de tout un pays.

Mais enfin ! François Compaoré a ses intérêts que la logique ignore et il doit avoir ses raisons de fuir la justice de son propre pays, confirmant sans doute ce que beaucoup de Burkinabè pensent de lui. Mais en même temps aussi cette atmosphère hostile au «petit président» permettra-t-elle à une justice sereine de se déployer ? N’est-ce pas ce contexte anti-François affiché, prélude à une justice expéditive, qui fait craindre à François de revenir ? Car l’intéressé reste convaincu, que la justice ne se fera pas sans politisation du dossier. Si donc le Burkina a fourni les documents demandés par la France, la balle est dans le camp de la justice hexagonale. Mais encore faudra-t-il convaincre les juges français de sa culpabilité. Du reste, pourquoi se lever pour observer ce qui vient droit sur soi ?

Ahmed BAMBARA

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