L’information a circulé très tôt dans la matinée d’hier lundi 24 juin 2024, avant d’être confirmée par des sources proches de la famille du journaliste. Le directeur de publication du bimensuel L’Evènement Serges Atiana Oulon, a été enlevé à son domicile de bonne heure par des hommes armés. Selon plusieurs sources, le journaliste d’investigation s’apprêtait à se rendre au Palais de justice notamment au Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga 1 ce lundi où devait s’ouvrir le procès en diffamation que son journal a intenté contre l’écrivain Adama Siguiré. Ce rapt intervient une semaine après la suspension (d’un mois) dudit bimensuel par le Conseil supérieur de la communication (CSC) pour manquements dans sa dernière parution.
Les responsables de l’Evènement avaient été auditionnés au sujet d’un article incriminé.
Le CSC a indiqué que le journal faisait une «insinuation malveillante sans démonstration claire par son auteur, des liens entre l’affaire des 400 millions F CFA, le défunt-capitane Prosper Boéna et le Capitaine Ibrahim Traoré». Selon cet organe de régulation des médias, le journal n’a pas été également en mesure d’établir «les liens entre le défunt Capitaine, le Chef de l’Etat et le Capitaine soupçonné du détournement des 400 millions F CFA». «De telles allégations s’analysent en une diffamation et tombent sous le coup des interdictions contenues dans la loi 057-2925/CNT du 15 septembre 2015, portant régime juridique de la presse écrite au Burkina Faso», avait relevé le CSC. Une loi qui permet un «récadrement rigoureux» selon le président du CSC, tenus sur les antennes de la télévision nationale ce 23 juin 2024.
C’est la première fois qu’un journaliste fait l’objet d’un enlèvement. Avant son cas, plusieurs personnes dont des activistes, hommes politiques, acteurs de la société civile…ont connu le même sort. Cet enlèvement a lieu dans un contexte de restriction pour la presse burkinabè qui a vu son champ de liberté d’expression se réduire considérablement depuis quelques temps. Car avec la Loi sur la mobilisation générale et le contexte de lutte contre le terrorisme, la polémique sur la posture du journaliste est sur toutes les lèvres et dans tous les esprits ? Doit-il tout dire le «tape-clavier», ou «cracher» tout dans le micro ou devant la caméra ? Au risque de se faire remonter les bretelles par le CSC. Ainsi, un média comme BF1 a écopé aussi d’une suspension par le régulateur de la presse presqu’à la même période que L’Evènement. L’éthique et la déontologie sont-elles solubles dans la communication en temps de guerre ? Voilà la question nœudale qui divise…
Du coup, c’est naturellement un journalisme à géométrie variable qui se déploie au Burkina Faso, car enjoints «d’accompagner» les efforts des FDS et VDP en matière de lutte contre le terrorisme, ce qui est normal, on est Burkinabè avant d’être journaliste et c’est ce qu’ils font. La preuve les reportages sont rarissimes, on relaie quotidiennement les comptes rendus des chargés de communication des ministères et institutions (encore si c’était payant gratis ! A l’heure d’ailleurs où les caisses des médias sont vides). Mais ce qui arrive à notre confrère intervient au lendemain de la folle semaine de rumeurs et d’allégations et surtout de la menace d’IB le jeudi 20 juin dernier, répondant aux confrères de la RTB sur les «médias menteurs» et les comploteurs. Chacun doit se le tenir pour dit ! En attendant de savoir ce qui est reproché à Oulon, les médias sont recroquevillés car en ces temps de guerre chaque mot est soupesé, chaque incise, virgule ou adverbe jaugé, avant d’être frappé sur l’écran de l’ordi ou dit devant micro. Mais indubitablement, les temps se durcissent davantage pour les médias locaux. Rudes coups pour les journalistes.
La Rédaction
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