C’était un de ses meilleurs vœux de Nouvel An et il est en voie de le concrétiser. En effet, comme annoncé dans son message du 31 décembre dernier, le chef de l’Etat malien, le Colonel Assimi Goïta est à fond pour la concrétisation du dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation.
Depuis ce mercredi 31 janvier 2024, il a, par décret, dévoilé la composition du comité de pilotage dudit dialogue, une semaine après avoir étêté l’Accord de paix d’Alger. Présidé par l’ancien Premier ministre Ousmane Issoufi Maïga, ce comité a pour principale mission de «mener un dialogue inclusif et constructif entre les différentes parties prenantes du Mali en vue de trouver une solution durable à la crise sécuritaire qui sévit dans le pays». Composé de 140 membres issus des différentes couches socio-professionnelles et des différentes régions du Mali, cet organe national a la lourde tâche de tracer les sillons d’un retour à la paix et de recoudre le tissu social éprouvé par cette crise sécuritaire à travers la tenue d’un atelier national. Initiative louable, est-on tenté de dire, d’autant que tout effort qui peut être fait pour que le Mali retrouve la paix est à saluer. Cela dit, il y a cinq ans environ, une initiative pareille prise par le régime de Ibrahim Boubacar Keïta (IBK) sous le vocable de Dialogue national inclusif (DNI) n’a pas produit de résultats escomptés et a semblé davantage aggravé la crise au point que l’armée s’en saisisse du pouvoir d’Etat. Mais entre 2019 et 2024, beaucoup d’eau a dû couler sous les ponts et les militaires au pouvoir donnent quitus au «Dialogue inter-maliens pour la paix et la réconciliation nationale» de prendre en compte les recommandations issues du dialogue national inclusif de 2019 et de la conférence d’entente nationale de 2017.
Toutefois, c’est une mission à hauts risques que s’apprêtent à mener Ousmane Issoufi Maïga et ses hommes. C’est peu de dire que ce comité de pilotage du dialogue inter-maliens pour la paix fait face à plusieurs défis et incertitudes, qui pourraient compromettre sa réussite. Peut-on mener un dialogue inclusif et constructif en ignorant le Cadre stratégique permanent (CSP), alliance de groupes armés du Nord du Mali qui avaient signé l’accord de paix d’Alger de 2015 avant de reprendre les armes ? Exprimant son mécontentement face à cette exclusion qu’il considère comme une marginalisation et une provocation, le CSP n’a pas manqué de réaffirmer, dès l’annonce de la mise en place de l’organe du dialogue, son attachement à l’accord d’Alger, qu’il juge comme le seul cadre légitime et consensuel pour le règlement de la crise malienne. Dans la même lancée, l’Algérie aussi n’a pas manqué de faire mine grise en se voyant royalement ignorer par les autorités de la Transition qui l’accusent d’ailleurs de soutien à ces ex-rebelles désormais considérés par Bamako comme des terroristes depuis qu’ils ont déclaré être «en temps de guerre» avec le régime en place. L’Algérie a toutefois réaffirmé son soutien au Mali et sa disponibilité à accompagner le processus de paix, dans le respect de la souveraineté et de l’intégrité territoriale du pays voisin.
C’est dire toute la complexité et la diversité des enjeux et des attentes liées audit dialogue inter-maliens pour la paix. Un dialogue qui doit aborder des questions sensibles et cruciales pour l’avenir du Mali, telles que la réforme constitutionnelle, la réconciliation nationale, la justice transitionnelle, la lutte contre le terrorisme, le développement économique et social, la gouvernance, la sécurité, ou encore la cohésion sociale. Il doit également répondre aux aspirations et aux besoins des différentes parties prenantes, qui peuvent avoir des visions et des intérêts divergents, voire contradictoires, sur la manière de résoudre la crise malienne. Il s’agit donc d’un exercice délicat pour Ousmane Maïga, qui nécessite un dialogue constructif, une écoute attentive, un compromis raisonnable, et une volonté partagée de parvenir à une paix durable et inclusive. Réussira-t-il sa mission ou mission impossible ? Tout dépendra en grande partie de sa capacité à naviguer dans ce paysage complexe et à engager efficacement toutes les parties concernées dans le processus.
La REDACTION
COMMENTAIRES