Notoirement réputé pour ses coups d’Etat, souvent sanglants, et finissant même par des régicides, le Nigeria détenait dans les années 80 et 90 la palme en la matière dans la sous-région, même si depuis lors, le record a été battu par d’autres nations.
Et c’est justement un militaire qui a remis le Nigeria sur le chemin de ce mode de gouvernement : le général Abdulsalami Aboubakar, lequel en 1999 a permis de fermer, cette sanguinolente et triste parenthèse, après les brèves années de braise de Sani Abacha, le pendeur d’Ogonis !
«Un coup d’Etat est pratiquement impossible aujourd’hui au Nigeria», a déclaré l’historien Kayodé Soremekun car ceux-ci ont épuisé toutes leurs cartouches, c’est-à-dire qu’ils ont dilapidé leurs propres possibilités historiques.
En fait, il faut comprendre que les militaires nigérians sont à l’image des civils, parvenus au pouvoir : esprit de lucre, boulimiques et se transforment vite en despotes. Ils ne sont plus des «donneurs d’espoir», (tel le Tesfom erythréen, Isais Aferworkis) oripeaux dans lesquels ils se drapent pour régner.
Alors, si hier 12 juin 2024, Bola Ahmed Tinubu, a célébré ce retour irréversible (?) à la démocratie au Nigeria, il y a un quart de siècle, c’est pour 2 raisons :
1) A l’heure où la sous-région est teintée de couleur de camouflage militaire (Guinée-Burkina-Mali-Niger), à contrario, la démocratie est présente aussi, au Sénégal, en Côte d’Ivoire, au Nigeria, au Cap-Vert… Et le Nigeria vit dedans depuis 25 ans, avec pourtant une armée moitié macrocéphale, moitié normale, laquelle, lutte contre Boko Haram et toutes les activités criminelles du pays.
2) Le chef de l’Etat a défendu ses réformes qui font grincer les dents de ses compatriotes. Cette journée de la démocratie rime-t-elle avec conscience heureuse des Nigérians ? On peut en douter, et Bola lui-même le reconnaît : s’il va suspendre certaines réformes controversées, il estime que c’est un mal nécessaire d’en maintenir d’autres. L’inflation qui culmine à 25% doit être solutionnée, et pour lui, il faut «réparer l’économie nigériane» ! Il a manifesté de l’affect pour les Nigérians, promettant de ne pas «leur tourner le dos et de les écouter». mais, il sait que si le ventre est vide, l’urne sonne creux, mais aussi qu’on peut faire tout avec les baïonnettes sauf s’asseoir dessus. Et il n’ignore pas que si les ères militaires ont été celles du fer rouge, d’une économie sous perfusion, de répression politique et de violations des droits de l’homme, le retour à la démocratie n’a pas été forcément idyllique, ni édénéen ! Le travailleur nigérian exige 250 000 Nairas/mois comme SMIG alors que la réforme de Bola cale sur 62 000 Nairas ! Un projet qui doit d’ailleurs être présenté au parlement prochainement.
Les 25 ans de retour à la démocratie ont-ils été mieux que ceux des prétoriens nigérians ? Non ! Affirme un sondage de 2022 d’Afrobaromèter, qui dit que ¾ des Nigérians interrogés se disent «pas très» ou «pas du tout», satisfait de ce pouvoir du peuple !
Comme le bleu ciel qui est incomestible, la démocratie ne se sustente guère ! Démocratie au Nigeria, comme ailleurs en Afrique doit être synonyme de plus d’apport en calories pour chaque citoyen, d’accès à la santé, à l’eau, à l’éducation, à l’emploi, l’égalité des chances… La question principale qui se pose donc avec la cascade de coups d’Etat depuis 2020 dans la sous-région, mais aussi par l’alternance civile au Sénégal est celle-ci : les Africains veulent-ils être gouvernés par l’urne ou la baïonnette ?
Zowenmanogo Dieudonné ZOUNGRANA
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